02 May
02May

Le mariage est un fait social des plus répandus parmi les hommes et les sociétés. Sa fonction, sa ritualisation et son aura ne cessent d’évoluer. Dans le Ouargla d’antan, il est précédé par les danses de Takouka, une parade amoureuse des célibataires en vue de sceller de futures unions


Les rituels prénuptiaux 

Les fêtes des mariages d’Ouargla et ses ksour sont célébrés durant la période comprise entre l’automne et l’été. Elles sont précédées par les danses de Takouka, qui se présente telle une manifestation ritualisée pour former des époux. Il est à noter qu’il s’agit d’une fête nobiliaire des tribus d’ath Brahim, Ath Sissine et Ath Ouagguni où les rivalités tribales, et les pactes patriciaux priment et se redéfinissent. Ainsi, lorsqu’un jeune homme choisit sa future épouse parmi les danseuses, plusieurs paramètres sont à prendre en considération ; tels que son rang et sa richesse.

Les célébrations de la Takouka se déroulent dans la joie. Les jeunes filles sont parées pour la parade. La tenue d’apparat est toujours de couleurs vives et chatoyantes, un penchant pour le rouge écarlate ou le vert sont typique des tenues des femmes ouargli. Chouchoutées par leurs parentes et leurs aînées, elles sont vêtues d’un haik ou une malhfa (deux variantes de la même étoffe à la manière d’une tauge, qui laisse entrevoir des bijoux finement ciselés d’argent massif); elles rejoignent ainsi le cortège rythmé au son de la gheita* et tbal*.

« Ces longs cortèges aux rangs, successifs de fillettes et de vierges s’avançant ondulant d’un mouvement tellement lent et tellement harmonieux [ ] les danseuses par taille et par âge, se serrent étroitement formant de longues chaînes qui se succèdent [ ] ou de grands mannequins de chiffons bariolés destinés à éloigner les démons et à préserver du mauvais oeil» rend compte J. Delheure dans son ouvrage sur les fêtes de Ouargla.

La danse s’exécute coudes serrés, mains jointes. Les filles se balancent chavirent et se courbent. La tradition veut que le prétendant lance un mouchoir de soie sur celle qui a retenu son attention. Ce geste, symbolise un voile qui la dérobe aux regards des autres hommes. C’est ainsi que la danse se poursuit durant des jours, les jeunes femmes choisies continuent de danser, gratifiées de youyou. Cet acte tacite induira une démarche plus officielle, les fiançailles sont annoncées. La famille de l’époux envoie de l’huile, deux ou trois mesures d’orge ou de blé ainsi que des étoffes et des tapis de Ghardaïa pour les plus nantis.

Les fiancés effectueront des visites aux mosquées et marabouts de la région pour le bon augure.

Les danses de Takouka tendent à disparaître dans le paysage urbain et contemporain, il en résulte une déconstruction du tissu social et une réinterprétation de la notion de couple. « L’évolution se traduit par la libération des anciennes classes pauvres ou asservies et la régression des familles nobles ou privilégiées d’autrefois, un début d’émancipation des enfants à l’égard de leurs parents et des traditions » souligne Madeleine ROUVILLOIS-BRIGOL. S'ajoute á cela la prohibition islamiste wahabite* fanatique qui a refaçonné les habitudes sociales. 

Leila Assas


Bibliographie : 

  • J. Delheure Tameddurt T-Tmetamt Wargen, Volume 7 de Etudes ethno-linguistiques Maghreb-Sahara, Ed, Peeter 1987
  • Madeleine ROUVILLOIS-BRIGOL, Le pays de Ouargla (Sahara algérien). Variations et organisation d’un espace rural en milieu désertique. Publication du Département de Géographie de l’Université de Paris-Sorbonne, n° 2, Paris, 1975, 390 p.
  • L. GOGNALONS,  Fêtes principales des sédentaires de Ouargla, in Rev. Afr., 1909.
  • Image: CARTE POSTALE ILLUSTRATEUR ROGER IRRIERA FANTAISIE ALGERIE DANSEUSES A OUARGLA




 

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