10 Mar
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Il est des métiers qui ne se pratiquent que par vocation au risque de s’atteler sans cesse à de rudes et rébarbatives tâches.

Ainsi, durant mes pérégrinations dans le sud-ouest algériens et plus précisément à Timimoun, je rencontre Ba Bihi, un homme menu au regard chatoyant, et dont le visage ne se défait presque jamais de cet éternel sourire suspendu à ses lèvres. Ba Bihi boitait suite à une chute du haut d’un palmier, intriguée par le mystérieux personnage, je décide de l’affubler d’un gentil sobriquet "l’homme palmier" avant que de ne m’enquérir de son histoire, et de la partager avec vous aujourd’hui.

Au commencement, il y avait le palmier, et c’est ainsi que Ba Bihi prélude notre échange; il me raconte alors une vieille légende locale selon laquelle le palmier-dattier serait né de la poussière d’Adam après que celui-ci ait redressé l’échine, le jour de sa création. Le palmier serait donc un arbre à l’essence divine, fier et généreux.

Né y a plusieurs années de cela, d’un âge présumé, « l’homme-palmier », comme beaucoup d’hommes et de femmes dont les parents n’avaient pas accès aux démarches propre à l’état civil, ne compte plus les années de son existence. Enfant du vieux ksar de Timimoun, orphelin à un âge précoce, Ba Bihi fut élevé par son oncle, un homme sévère et autoritaire.

En cette fin d’avril, dont les chaleurs sont annonciatrices de la saison estivale, le vent de l’ouest, « El gherbi », sévit… En outre, c’est également la saison du « dekar » : la pollinisation du palmier-dattier réalisée par un processus manuel. Ba Bihi se munit d’une « valise diplomatique », telle que la surnomme les gens de la région, et qui contient : une corde (la ceinture de sécurité) un menjel*, un guadoum* , un petit panier en osier contenant des dattes en guise d’en-cas et de l’oignon, ce dernier s’avère être très utile en cas d’évanouissement causé par la chaleur étourdissante lorsque le soleil est à son zénith.

Le processus du dekar consiste à mettre en contact, par frottement, le pollen d’un palmier dit « mâle » avec le palmier qu’on souhaite polliniser appelé « femelle ». Les quarante jours qui suivent, la période durant laquelle le palmier est friand d’eau, sont déterminants pour la qualité des dattes récoltées.

Entretenir le palmier étant devenu un métier désuet par les temps qui courent, aucun de ses fils ne semble disposé à reprendre le flambeau. Cependant, Ba Bihi a tenu à leurs enseigner les techniques d’entretien et de récolte de dattes.

Ba Bihi est également un abashniw (un soliste d’Ahalil) et joue au benguri : un instrument à corde similaire au goumbri. Il prend part activement au fêtes et célébrations locales, je cite de mémoire celle de Sidna Bellal qu’il affectionne particulièrement mais ceci est une autre histoire que je vous conterai très prochainement.


Leila Assas


Crédit image : Khaled Hanouz

Initialement publié sur www.babzman.com

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