23 Feb
23Feb

Les vélos mis en location à l’entrée du marché d’Assihar nous renseignent sur l’ampleur des lieux. Ce marché emblématique de la ville de Tamanrasset est un haut lieu chargé d’Histoire et de curiosités; et les yeux venus du « tell » et d’ailleurs, n’y sont pas familiers.


Radio Niger retentit, nous ne sommes pas si loin des frontières. Des grillons grillés proposés à la vente, et à la consommation… Je n’en avais jamais goûté auparavant! Sur mon chemin, je croise également des feuilles séchées d’hibiscus pour préparer le très prisé breuvage de l’Afrique de l’ouest : le bissap. Sur les étals, on trouve aussi des ananas, noix de coco, épices, mais aussi des étoffes de la région… Assihar représente la cristallisation des brassages cultuels, qui fait de Tamanrasset le trait d’union africain.

Assihar signifie «rendez-vous» en tamasheq, explique Zahara, ma guide. Il abrite une manifestation économique éponyme, leila3qui perdure depuis le Moyen âge : le troc. Plus qu’un outil économique, ce fait social fut signalé en Afrique depuis le néolithique et a pris tous son sens avec l’apparition de l’agriculteur et la domestication du bétail. À ce moment-là, le troc devint une nécessité! Par ailleurs, le commerce transsaharien à caractère politico-économique s’intensifie et se développe à partir du Moyen Age; reliant ainsi des villes réseaux, telles que Kidal, Agadez, Beni Mzab et Sijilmassa. Le développement et l’essor des pôles religieux fut intiment lié à l’axe caravanier comme il est le cas pour Le Grand Touat ainsi que Tombouctou.

Je croque un savoureux bout de noix de coco en poursuivant ma balade, songeuse à la vie d’antan. Plus tard, j’appris que le produit le plus prisé fut  «Le sel de Gemme », surnommé l’or blanc. Il était acheminé à travers la Route du Sel depuis Bilma au Niger pour être troqué contre du mil, du blé ou encore des dattes, du cuivre, des livres et bijoux. À l’air de la mondialisation, les produits ont perdu de leur caractère «exotique». Les articles électroménagers et quelques chinoiseries sont proposés à la vente même si on peut toujours tomber sur les « vestiges » du marché d’autrefois en croisant sur les étals : de l’ambre, du thé, ou autres orfèvrerie et maroquinerie. Je poursuis ma quête à la recherches des étoffes du tisseghness et pagnes, ces beaux tissus qui drapent les femmes de sensualité, des deux rives du Sahel.

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Ce voyage dans le temps m’a donné faim; j’assouvis mon appétit en dévorant une mainama, cette belle viande fumante cuite à l’étouffé sur des braises, spécialité malienne dont raffolent tous les habitants de Tamanrasset; toute ethnie confondue. Je quitte le marché les bras chargés de tissus, bijoux, d’épices et de patte d’arachide pour préparer le maffé (cuisine sahélienne). Cette citation de l’économiste Jean Michel Servet a fait échos à mon expérience au sein de l’Assihar : « Il est possible qu’une société fonctionne parce que les individus commercent ».


Leila Assas 

 

Bibliographie  :

  1.  Le sel du désert de Odette Du Puigaudeau (Phébus/libretto-2005)  
  2.  Youssef Ragheb, « Les marchands itinérants du monde musulman », Voyages et voyageurs au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, p. 177-215


Initialement publié sur Babzman 

 

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