L’historiographie fut peu généreuse avec les figures féminines. Elles ont été bien souvent, quand elles ne sont pas occultées, reléguées et confinées à des rôles secondaires. Les ouvrages d’Histoire se font avares de détails. Tel est le cas de Cyria, une princesse numide qui livra bataille contre les romains.
Cyria est la fille du souverain numide Nubel de la tribu des Jubales (mort en 370) dont l’historien Ammien Marcelin situe le fief aux environs des Bibans (sud-est de Bejaia). Romanisée, la tribu payait l’impôt à Rome et se soumettait à son autorité depuis la première moitié du IV siècle. La Princesse aurait vécu à Zamma, non loin de la Mitidja, dans le domaine de son frère ainé Firmus. Ce dernier, contemporain de Tacfarinas et Juba II, fut célèbre pour avoir mené une insurrection contre Rome, en défiant Romanus, Comte et gouverneur de l’Afrique romaine.
L’intrépide guerrière
Firmus est connu pour avoir rallié les troupes berbères, déserteurs des légions romaines pour la plupart, ce qui constituait un atout militaire de taille. Et c’est avec l’appui de l’église donatiste qu’il s’était emparé de Caesarea (Cherchell), Cartenae (Ténès) et Icosium(Alger). Cyria, assista son ainé et se dressa face à l’envahisseur, elle fut la résistante et l’instigatrice ainsi que meneuse des troupes. Elle est décrite comme étant intrépide guerrière, maniant le glaive et c’est en cavalière qu’elle livra bataille au général romain Flavius Théodose en l’an 371, près de la chaine de montages de l’Ancorarius, actuelle Ouarsenis où elle le contraignit à se replier vers Mazouna dans la région de Dahra (Relizane). Le journaliste et consultant en édition, Kamel Bouslama, la gratifia en ces termes, « [] une prestigieuse femme au destin exceptionnelle. Une héroïne qui avait précédé la Kahina, Fatma N’Soumer, Malika Gaïd et autres femmes figures emblématiques de la résistance algérienne. Méconnue, comme l’est notre histoire ancienne []La jeune femme était une amazone intrépide. Elle avait une belle allure, une solide constitution physique, un esprit ferme. Elle était indomptable ». L’insurrection de Cyria et son frère Firmus prit fin en 375. Ce dernier se donna la mort après sa capture par les troupes ennemies. Date à laquelle, nous perdons la trace de Cyria. Les sources historiques livrent peu de détails sur la vie et la mort de la princesse, si ce n’est que les rixes fratricides¤ de sa tribu ponctuèrent sa vie et furent utilisées par les romains pour déstabiliser son clan. Cyria, à l’instar des femmes berbères, joua un rôle précis dans la guerre, pour paraphraser Cédric Chadburn. Sur le champ de bataille, les femmes numides pansaient les plaies et dressaient les campements, mais, il est cependant des héroïnes qui de par leurs naissances ou étoffes marquèrent les esprits. Tel est le cas de Cyria. Hélas, les textes relatant leurs exploits restent minimes.
¤ Firmus fut trahi par son autre frère Gildon, auquel s’était opposé Mascezel, le cadet.
Leila Assas
Sources :
-Ammien Marcellin, Histoire, XXIX, 54-55. -
-Dr Nacera Benseddik, "Femmes en Afrique ancienne", Scripta antiqua, Ausonius, Bordeaux 2017.
-A.Nedjar, Texte adapté de diverses sources historiques dont celle de Tahar Oussedik, La Berbérie. © El DjazairCom 2007/2018
-Kamel Bouslama, Il était une fois Cyria, l’héroïne méconnue de la résistance algérienne Elmoudjahid 2020-08-11.
-Charles Le Beau Histoire du Bas-Empire, Volume 3
-Février Paul-Albert. Religion et domination dans l’Afrique romaine. In: Dialogues d’histoire ancienne, vol. 2, 1976. pp. 305-336doi : https://doi.org/10.3406/dha.1976.2747 https://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_1976_num_2_1_2747
-Ouarda Himeur-Ensighaoui, Ils ont défié l’empire. Firmus : un prince Kabyle qui a fait trembler Rome
Image : ©Zekara
Initialement publié sur Babzman