13 Apr
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Fatma Tazoughert « la Reine Rousse » est une souveraine chaouie qui aurait régné sur la rive nord des Aurès sous la domination ottomane. Mystique, guerrière, et guérisseuse, le personnage de Fatma Tazoughert (rousse ou rouge en tamazight) est porté à notre connaissance, à travers une légende relatée principalement par des conteurs et poètes de tradition orale. Il existe peu d’écrits sur elle; et ce manque de sources lui fait défaut. D’ailleurs, certains estiment qu’elle n’a jamais existé, et qu’il s’agirait simplement d’une allégorie fantasmée, des orateurs des Aurès. 

Fatma Tazoughert est une grande absente de l’Histoire. Alors est-elle  honnie, ou « accidentellement » oubliée ? 


Récits historiques et légendes 

Née à Tamerwent près de Batna, en l’an 1544, sa beauté est chantée et célébrée à travers la tradition orale aurésienne. Elle serait connue pour avoir instauré le matriarcat sous la bannière de l’islam, ce qui constitue un fait singulier au Maghreb musulman. À propos de la reine rousse, l’écrivain Mohamed Nadir Sebaa dit ceci : « Que savons-nous de cette reine légendaire, qui récitait le Coran par cœur, entretenait des relations commerciales avec chrétiens et juifs, montait les tapis, les burnous – ajridi* et les chevaux avec habileté, grâce et adresse ? Unique femme, dit-on, des siècles après la Kahéna », il fit également traduire du chaoui, des vers de la poétesse chaouie Lalla Khoukha Boudjenit qui s’exprime à son sujet, comme suit : 

« Hommage à vous Fatma Tazoughert 

Nous avons complété vos trésors en choses merveilleuses, rempli 

vos réserves d’orge, d’huile d’olives, de miel et de blé » 

Dans nos cœurs, avons gravé votre nom magique pour l’éternité» 

La tradition orale la rattache à une prestigieuse lignée de chefs guerriers, selon Sebaa; et plus précisément à Imouren, un général de Tarik Ibn Zyad qui prit part dans la conquête de la Péninsule Ibérique en 711. Elle aurait fait exécuter son frère et fit exiler son neveu pour s’emparer de l’antique ksar Belzma, de la région de Tamrwent, fondé durant l’époque romaine. Cette guerrière redoutable instaura le matriarcat oligarchique, et créa un conseil de sages féminin. En 1566,  elle conquit les villes marocaines de Fez, Meknès et Marrakech, alors sous   domination Zianide, faits contestés par les historiens en raison du manque de manuscrits et chroniques à ce sujet.  La conquête fut, néanmoins, relatée  par le poète marocain Sidi Abderrahmane El Mejdoub (XVI siècle).   

La reine rousse est auréolée de mythes et légendes qui versent dans l’emphase quant à ses prouesses et sa bravoure. La tribu chaouie de la rive nord, les Ath Fatma,  se réclame de sa descendance et œuvre à perpétuer sa mémoire.  Elle demeure à l’instar de la reine des touareg, Tin Hinane, un personnage à cheval entre le récit historique et la légende.  

 Leila Assas 


Bibliographie:

  • Mohamed Nadhir SEBÂA  – L’histoire, les Aurès et les hommes, CRASC  
  • Salem Chaker, Encyclopédie Berbère «  Aures » 
  • Abderrahmane Lounes, Anthologie de la littérature algérienne d’expression amazigh ANEP 2002 
  • Ounissi Mohamed Salah, Amawal, Tcawit-Tafransist-Taârbt ENAG Alger ( 2003) 
  • Joly, A. «  le chaouiya des Ouled Sellem » Revue Africaine, Alger ( 1912) 
  • Illustration: Kaouther Dernouni


Initialement publié sur www.babzman.com,le 17 .02.2018


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