24 May
24May

Diplomate, chroniqueur, voyageur et érudit, Léon l’Africain (1486-1550), de son véritable nom Hassan Ibn Mohamed el Ouazzan, était un natif de Grenade. Il fut le témoin des bouleversements de son siècle et incarne le trait d’union entre les deux rives de la Méditerrané, en révélant au monde occidental une Afrique encore méconnue. Sa vie se narre tel un conte riche en tribulations.


L’homme et son époque

Le XVI siècle fut marqué par de grands faits historiques et géopolitiques. Léon l’Africain n’est encore qu’un enfant lors de la Reconquête catholique par les Castillans de 1492. Il vit l’exile des andalous arrivés en masse aux Maghreb et s’installe avec sa famille à Fez où il reçoit une éducation théologique dans les plus prestigieuses écoles et medersas coraniques.  Il découvre, très jeune, des contrées lointaines telles que Tombouctou, l’Irak et l’Arménie lors des missions diplomatiques de son oncle et renforce, à son tour, sa position de diplomate et est chargé de mission auprès de la cour de la dynastie des wattaside (1472 - 1554) qui régna sur le Maghreb occidental.

Vint, dès lors, le temps des pérégrinations et des voyages qui lui inspireront son ouvrage majeur « Description de l’Afrique ». Hassan explore la Perse, l’Arménie et les contrées de l’empire Songhaï en Afrique de l’ouest avant de voir son destin basculer en l’an 1518 lorsqu’il est fait captif des castillans, au cours d’un acte de piraterie sur les côtes de l’ile de Djerba (Tunisie). Offert au pape Léon X, le lettré musulman « débarqué » dans la cour du Vatican devient une curiosité et un objet d’études pour la cour et attire la sympathie du Pape qui l’affranchit et le convie à demeurer auprès de lui. Il se fit baptiser Léon en honneur au pape Léon X, suite à sa conversion au Christianisme. En l’an 1521, il entreprend l’écriture de « Description de l’Afrique » qui ne sera révélée qu’à titre posthume.


Léon en terre de Numidie

Arrivé en terre de Numidie, selon certaines sources, en l’an 1516  lors d’un périple vers Istanbul, en passant par Tunis et l’Egypte, il décrit minutieusement les mœurs locales, livrant ainsi détails rutilants et analyses sociologiques ainsi que ses impressions sur de nombreuses villes et régions. Dans son ouvage Description de l’Afrique, il nous livre un descriptif détaillé sur la Numidie qui se traduit comme suit " Est appelée des latins Numidia et des arabes Bilad al-Jarîd (pays des palmes), commence du côté est à la cité d’Al-Waqat, distante de l’Egypte d’environ 100 m. et s’étend vers l’ouest jusqu’à Nûn, cité située et assise sur le rivage de l’Océan, et vers le nord, prend fin au Mt-Atlas, du côté regardant le sud, vers lequel confinent les arènes du désert de Libye, et les pays produisant les dattes sont d’habitudes nommés d’un seul nom par les arabes car ils sont situés en un seul endroit."

Les villes faisant partie de la Numidie telles mentionnées par Léon l'Africain sont Dara et Ifran (actuel Maroc), Tabelbalat, Tsabit, Tajurarin, Mzab, Taggurt, Warghla, Zab (actuel Algerie), Jarba (Tunisie) et Ghadamis, Fzzân (en Libye).

L’importance de ses écrits est sans conteste, et ce, pour les générations à venir un legs inestimable comme le précise A, BEIBIUGGER qui  exprime en ce sens le rôle  de l’ouvrage de Léon l’Africain pour cerner le Continent Noir au moment de l’entreprise coloniale occidentale. Des détails cocasses à la description géostratégique, ses récits ne sont exempts de controverses mais, néanmoins, non négligeables et denses en  informations « Léon occupe la première place dans cette galerie africaine et ce n’est pas sans motifs. Contemporain et spectateur de l’établissement turc à Alger, il se trouve, par sa date, en tête de la période [ ] qui s’ouvre avec le 16′ siècle; alors que l’Europe commence contre l’Afrique du Nord la série des entreprises militaires » et ajoute « Léon a été mis largement à contribution par tous les auteurs qui ont écrit sur l’Afrique depuis trois siècles ».

Ce contemporain de Charles Quint; des Frères Barberousse ou encore le Jacob Mantino ben Samuel, avec lequel il élabore un dictionnaire hébreu-arabe-latin, fut un nœud central de clivage entre Occident et Afrique, et pratiqua le comparatisme bien avant Montesquieu, l’auteur des « Lettres persanes ».

C’est sans conteste, le roman historique d’Amin Maalouf, paru en 1986, qui le révéla à notre époque. Il revient à travers les quatre chapitres du livre « Le livre de Grenade » , « Le livre de Fez », « Le livre de Caire » puis  « Le livre de Rome » sur la dimension humaniste  et universaliste de Léon l’Africain. « …de ma bouche tu entendras l’arabe, le turc, le berbère, l’hébreu, le latin et l’italien vulgaire, car toute les langues, toutes les prières m’appartiennent » dixit Léon l’Africain à travers la plume du romancier.

Leila Assas

 

Bibliographie

  1. LÉON L’AFRICAIN:Description de l’Afrique. Paris, Leroux, 1896-1898.
  2. Léon l’Africain, voyageur entre deux mondes parMEHDI GHOUIRGATEMAÎTRE DE CONFÉRENCES EN ARABE À L’UNIVERSITÉBORDEAUX-MONTAIGNE ET MEMBRE DU PROJET “IGAMWI”   lettre persane
  3. A, BEIBIUGGER, Jean Léon- Revue Africaine N° 11 juillet 1858
  4. BousbaSouhila, Histoire et interculturalité dans Léon l’Africain d’Amin Maalouf . Master Sciences des textes littéraires- Université Abderrahmane Mira de Bejaia2016
  5. Portrait de Léon l’Africain par Sebastiano del Piombo, vers 1520).

Initialement publié sur Babzman

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