09 Dec
09Dec

Les populations anciennes s’adonnaient à la pratique du jeu de stratégie et cela depuis le néolithique comme l’atteste les recherches effectuées sur les sites archéologiques d’Ain Ghazal en Jordanie; où des vestiges d’un jeu de quadrillage en damier furent trouvés. Cela semble être une des plus anciennes pratiques ludiques de l’humanité.  

 

En Afrique, les jeux traditionnels en damier présentent presque autant de similitudes que de variantes. Le jeu populaire de Karad en est un exemple parfait. Sa présence et son usage sont signalés sous différentes appellations; ce qui témoigne d’une identité commune qui lie plusieurs populations africaines. Ce jeu exempt de sophistication est, encore de nos jours, très prisé chez des populations nomades, rurales et pastorales. Il est appelé dili en haoussa, bozo en bambara, duru chez les Dakarkari au Nigeria, dru chez les KelDinnik (touareg du Niger) et karad  chez les Kel Ahaggar en Algérie, ainsi  qu’en Oranie.

Karadou krad signifie trois et ce dans plusieurs dialectes amazighs comme le zénaga mauritanien, le tamesheq et le tachelhit marocain en référence aux trois pions gagnants que chaque joueur doit aligner. 


La variante touareg 

La variante touareg se déroule sur le sable. La partie débute en traçant des quadrillages de trente trous disposés en ligne de cinq sur six. Deux adversaires choisissent des pierres de forme et de couleurs distinctes, et dispose douze pions de manière aléatoire sans former un trois à la suite. Jeu de stratégie savamment mêlé à la dextérité, le but est de pouvoir aligner trois pions et d’éliminer un pion adversaire. À tour de rôles, les joueurs lancent les pions dans l’air avant de choisir une case. Le plus rapide qui réussit à placer son pion est le gagnant de la partie. Mais pour être  le grand vainqueur, il faut disputer avec succès quatre parties à la suite.  

C’est ainsi, que des heures durant, à l’ombre d’un palmier, d’une monture ou encore des spectateurs, le jeu s’étire et contribue à tuer le temps et l’ennuie. 

L’imaginaire lié à ce jeu diffère d’une région à une autre comme il est signalé dans l’étude effectué par Edmond  Bernus, auprès des touaregs de l’Ahaggar en Algérie, et de la tribu des KelDinnik à l’Aïr, au Niger. Les cases sont appelées ehen(tente) ou encore unii (puits), ainsi, le vocabulaire nomade et pastoral est fortement usité. Dans les régions du Haut Atlas, le jeu est orienté vers des nominations en rapports avec la vie rurale comme la vache, la chèvre ….  

Les  jeux comme pratiques cognitives ou encore cultures ludiques apparaissent  comme des vecteurs d’un patrimoine culturel et signe identitaire. Le jeu Karad répond aisément à la problématique d’une unité culturelle africaine. « Des cultures ludiques qui devraient, à juste titre, faire partie intégrante du patrimoine culturel de l’humanité tout comme les chefs d’œuvres de l’art et de l’architecture. », souligne Jean-Pierre Rosie, docteur en histoire et philologie et spécialiste des cultures du jeu Saharien et Nord-Africain.


Leila Assas  

 

Bibliographie :  

  1. Edmond Burnus,  JEU Et  ÉLEVAGE, VOCABULAIRE D’ÉLEVAGEUTILISE DANS UN JEU DE QUADRILLAGEPAR LES TQUAREGS(IULLEMMEDEN KEL DINNIK) (*> (O.R.S.T.O.M., Paris 
  2. Monod Théodore. 1938. – Jeux sahariens: le dra. Soisprêtno 88, avril 1938, p. 62. 
  3. E. Bernus, « Excréments animaux », in Gabriel Camps (dir.), 18 | Escargotière – Figuig, Aix-en-Provence, Edisud (« Volumes », no 18) , 1997 [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2011 
  4. J e a n – P i e r r e R o s s i e,  CULTURES LUDIQUES SAHARIENNES ET NORD-AFRICAINES, Stockholm International Toy Research Center  , 2011  
  5. Illustration 1: https://dammeur.fr/jeudedames-et-collections/Cartes%20format%20WEB/Afrique%20du%20Nord/jeu%20de%20dames%20primitif%2024%20(1905).jpg

Initialement publié sur Babzman 


 

Commentaires
* L'e-mail ne sera pas publié sur le site web.