12 May
12May

C’est avec une  joie et un engouement peu contenu que les élèves de l’école  primaire Nouari Hamida, du Ksar Lahmar de Charouine, se hâtent de grimper dans le bus de l’école pour une sortie scolaire très attendue car elle coïncide avec le projet pédagogique de la 5AP qui porte sur « les métiers ». Destination : Timimoun, dite la Perle  du Gourara  pour rencontrer les membres de l’association alsacienne Trait-d’union et de L'A.D.E.A. (Association des Droits de l’Enfant et de l’Adolescent).

Pour nous accueillir, Jean-Pierre et Marie-Claire Radigue accompagnés de leurs amis et partenaires Houcine et Fatiha Kadiri de l’association A.D.E.A. Le but annoncé de la rencontre, étant de visiter l’atelier de tissage de tapis Tigourarine dont la particularité, réside dans le fait que ses  tisserandes réalisent des tapis selon la pure tradition Zénète du Gourara en reprenant d’anciennes techniques de pigmentation végétales.

Habitués aux métiers à tisser, transmis comme un héritage et un art ancestral qu’on peut trouver dans presque toutes les maisons du ksour du Gourara, à peine entrés dans l’atelier,  les élèves se familiarisent avec les lieux, les tisserandes et les tapis. Dès lors, les questions fusent : en arabes, en français et en Zénète. Marie-Claire Radigue  se fait une joie  de répondre aux élèves dont les interrogations portaient  principalement sur les motifs, le choix des couleurs et leurs symboliques.    

Le tapis Zénète, fierté de la femme amazigh, est au cœur des préoccupations de Trait-d’Union ( association à but non lucratif qui œuvre pour sa sauvegarde en assurant la formation des tisserandes afin qu’elles puissent être autonomes financièrement.) C’est à la fois un projet social et une démarche culturelle mais aussi un espace de création. Les tisserandes ne reprennent pas seulement d’anciens modèles mais des tapis contemporains portant des noms évocateurs ont vu le jour : Crépuscule sur les dunes, Soleil de midi, Naissance dans le ksar.

La  visite se poursuit, et nous voilà à présent à l’atelier « Ayadi  Adahabiya » ( Les Mains d'Or) où nous faisons la connaissance de Fabienne Franbourg qui assure  une formation de broderie. Ce projet de formation en couture, tricot, broderie traditionnelle et artisanat est fondé en 2005 par les Sœurs Blanches de Timimoun, repris ensuite par les associations Trait-d’Union et ADEA. Les objectifs principaux de cette démarche sont de former des jeunes femmes en difficulté financière de Timimoun et ksour alentour du Gourara afin qu’elles puissent réaliser des objets d’usage personnel dans un premier temps mais qui peuvent être aussi destinés à la vente : des ponchos pour petits et grands ainsi que des bonnets et chaussons pour bébé, des chèches, des portes clés, des kachabiat et des pochettes …etc. Les objets réalisés sont très raffinés et les couleurs très jolies.

Dernière escale et pas des moindres, à la terrasse  de la résidence de Marie-Claire Radigue aménagée en atelier, des jeunes stagiaires apprennent à maîtriser la technique de pigmentation végétale et de création des couleurs. Venue d’Alsace, Karine Schreck, véritable magicienne des couleurs, utilise des chaudrons en inox pour ne pas altérer les teintes et nous explique le processus rigoureux pour la réalisation des teintures végétales. Les élèves étaient particulièrement  attentifs aux explications et ne cachaient point leurs  étonnements et admirations! Il est vrai que l’univers des couleurs est magique pour petits et grands.

La nature nous offre un large panel de matières naturelles à exploiter pour pigmenter la laine, ainsi voici un petit tour d’horizon des différentes teintes obtenues par coloration naturelle :

Cochenille (rouge violacé – rose), Écorce de grenade (vert), Pelure d’oignon et Gaude (jaune), Thé (beige), Henné (beige – brun clair), Garance (rouge), Daphné – Dgouft  (jaune – vert), Le traitement de l’indigo (bleu), Le bois de campêche (violet), L’orcanette (violet). La démarche de ce projet est à la fois écologique mais aussi esthétique car les couleurs végétales durent plus longtemps et un tapis traditionnel Zénète, à la condition d’être entretenu, a toutes les chances d’être centenaire. 

Après une matinée bien remplie et un délicieux pique-nique, les élèves  rentrent  à ksar Lahmar avec plein d’images et d’histoires à raconter. 

Valoriser et assurer la pérennité d’un métier qu’on pense désuet, mettre en valeur  la création artistique  mais surtout œuvrer pour le travail de mémoire, tels sont les points essentiels  retenus  lors de cette visite. Le losange, Le scorpion, La grenade, l’étoile de David, le chandelier, le tapis Zénète, raconte l’histoire de sa tisserande originelle, il atteste des influences et des courants religieux, de la faune et la flore et la cosmogonie de la région. Le tapis Zénète est magique!


Leila Assas


images : Tigurarin 



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