Diverses cultures auréolent les sorciers, devins et magiciens de forces occultes et de pouvoirs extraordinaires. « El madjous » en arabe, ou mage en français, dont le nom est issu de la racine latine magus, proviendrait du persan magis, terme qui désignait autrefois les fidèles du culte de Zoroastre : une croyance païenne vieille de plus de 3700 ans.
En langue arabe, le mage est également appelé « el Seh’h’âr », « sâh’ir » ou encore « kahin » de l’hébreu « kohen » ; autant de superlatifs pour désigner cet être fascinant et craint, dont le savoir et le pouvoir dépassent l'entendement des communs des mortels. Son pouvoir relève à la fois du sacré et du profane. Son éloquence le positionne en corollaire du poète « el châ’ir » ; cette étroite relation se traduit par la verve dont il fait preuve lors des prédictions et divinations.
Tandis que la religion est une affaire d'hommes et de prophètes, la magie semble être l'apanage des femmes dans l'Afrique du Nord préislamique. À ce propos, Procope s'exprime ainsi : « Il est interdit chez les Maures aux hommes de prédire l'avenir : mais certaines femmes, après avoir accompli des rites sacrés inspirés par l'esprit (divin), prophétisent l'avenir ni plus ni moins que les anciens oracles. » Dihya, célèbre reine berbère du VIIe siècle et issue de la tribu des Djeraoua des Aurès, fut surnommée « Kahina », la devineresse. Il paraîtrait qu'elle professait le judaïsme et fascinait par sa beauté et son charme ensorceleurs. Sa renommée dépassa l'Ifriqiya et intriguait H'asan ibn No'man, le conquérant omeyyade. Il en est ainsi pour Zeineb, el nefzaouine, Tanguit et Debou de la tribu des Ghomara, dont Ibn Khaldoun rendit compte dans son ouvrage sur les Berbères.
Dès l'avènement de l'islam, le magicien en Afrique du Nord se mit à asseoir sa légitimité dans la rigueur religieuse, car il opère au nom d'Allah. « El taleb », sorte de sorcier bénéfique qui pratique la magie dite « positive », occupe la fonction de médecin grâce à « el idjasa » (certificat). Ainsi, lui et « el hakim » (juge, médecin) sont amalgamés, ce qui entraîne une confusion des genres.
Il existe de nombreuses professions assimilées á la sorcellerie; de fait, le barbier et le forgeron sont perçus comme des agents de sciences occultes et ne sont recrutés que via une chaine de transmission de savoirs, tel les astrologues et les géomanciens chez les Beni Niyat, les Beni Ades, les Beni Amer en Oranie e les Zkara de Oujda.
Êtres enchanteurs, semi-légendaires ou se prétendant à la magie, ils peuplent l'imaginaire collectif du Nord Africain et façonnent « Cet incroyable besoin de croire ». Edmond Douté précise "Si la croyance commune en a jadis fait des magiciens, c'est aujourd'hui la religion qui, en l'écartant, le précise et le qualifie."
Extrait - Initialement publié sur Babzman.com,
Basé sur les travaux de Edmond Douté - Magie et religion en Afrique du nord- enrichi et annoté.