04 Apr
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La pharmacopée magique en Afrique du Nord, au début du XIX, telle qu’elle fut observée par Edmond Douté, dans son ouvrage de référence pour la période «Magie & religion dans l’Afrique du nord», est décrite comme étant  peu complexe et foncièrement élémentaire.

La pharmacopée magique se traduit principalement par l’usage de la phytothérapie à travers lequel le guérisseur accède au statut de mage par l’emploi de plantes aux propriétés curatives, considérées magiques, et auréolées de mysticisme. «Les contrées les plus reculées du Maghreb produisent les plantes merveilleuses […] Qui poussaient au Nil, Caire, Tunis, Tripoli et au Drà au Maghreb ». 

Ces ingrédients sont principalement des parfums à brûler: la formule la plus connue est appelée « el Tabkhiira» (l’enfumage), dont la composition comprend sept parfums : El djâoui lakhal (benjoin noir), el djâoui labiod (benjoin blanc), bkhour essoudan (résine d’élémi), el oûd el qamari (bois d’aloès) et kezber (coriandre) loubân (encens) el mi’â ( styrax ou myrrhe).

On y oppose «  el Tebkhira l’khanza » dite la puante. Elle contient du souffre, du crin, de la laine, des piquants de hérisson, des coquilles d’œufs, de la corne et poils de « négresse » (au nombre de sept).

Les enfumages sont considérés comme des corps conducteurs, « des véhicules de forces magiques ». Observées à Mogador, Fez, Tlemcen, elles servent à défaire un maléfice ou à le réaliser à l’aide d’un tableau de symboles magiques appelé " « el jadouel ». Elles sont employées lors des cérémonies d’invocations des forces surnaturelles et occultes en vu de réaliser des vœux de richesse, envie de vengeance …etc.

«Ces parfums mettent les esprits supérieurs au service de ceux qui les nourrissent de leur fumée .Celui qui saura les trouver dans ce tableau parviendra au degré du souffre rouge dans les mystères des lettres. Ces parfums ont encore une autre propriété : si vous les mélangez et si vous les broyez ensemble. […] Si vous en jetez ensuite un peu, dans le feu pendant la nuit de la première à la seconde moitié du mois, et que vous appeliez  l’aoûn el mouakkel […] un des esprits supérieurs viendra et accédera à tout ce que vous lui demandez ». Rapporte Douté. "L’aoun el mouakkel" se traduit littéralement par: agent de l’exécution. Il s'agit un Djinn de rang inférieur qui subordonne, selon la croyance maghrébine, les cérémonies magiques .

L’usage de certains animaux est également de rigueur. On y voit une éloquente allégorie des qualités de l’animal utilisé que l’on souhaite acquérir ou attribuer à quelqu’un lors du rituel magique : cœur de vautour, peau d’hyène, cœur de chacal, hibou, gerboise, peau d’un lion, le fiel d’une poule noire, l’œil du chat, la patte de l'hirondelle ou les dents d’une souris et tant d’autres. La langue d’un âne sert par exemple à fermer la bouche d’un mari jaloux et suspicieux.

La magie dans l’Afrique du nord se caractérise par sa simplicité, elle n’est pas juste l'apanage des cérémonies ésotériques mais tend vers des habitudes quotidiennes. Ainsi, le simple geste peut être empreint d’une aura magique  comme le fait de nouer. A l’instar des Assyriens, cette action ponctue un événement important tel une naissance, une union ou un pacte.

Leila Assas 


  • Synthèse de «  Magie et religion dans l’Afrique du Nord – Chapitre II : Les rites magiques / Pharmacopée magique de l’Afrique du nord –  Edmond Douté , professeur à l’école supérieure des lettre d’Alger , 1909
  • Illustration : « Petit taleb« , huile sur toile de  Théodore Chassériau, XIXe


Initialement publié sur Babzman 

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